Triste zoo
Des murs, grillages, palissades, talus abrupts, vitres épaisses, barreaux en fer et autres barrières, souvent électrifiées, forment les enclos du parc. Les frontières sont toujours les bienvenues pour protéger du danger. D’un côté, les animaux civilisés ; de l’autre, les animaux sauvages.
J’éprouve un sentiment de gêne mêlée de tristesse à mesure que je visite ce zoo, qui a pourtant bonne réputation. Les éléphants piétinent, les oiseaux s’ennuient, les ours bâillent, les lémuriens somnolent…
Et pour cause, en raison de leur privation de liberté, ces animaux ne peuvent pas faire ce pour quoi ils sont nés : chasser ou être chassés, survivre. Ils souffrent du réfrènement de leurs instincts. Ce soir, le guépard mangera un lapin qu’on lui aura servi déjà mort, il n’aura plus qu’à croquer.
Les lions lorgnent les festins qui défilent devant eux, impuissants, sous l’œil goguenard des lycaons ; les tigres tournent en rond vainement devant le cou des enfants qu’ils aimeraient croquer ; les suricates font le guet pour protéger leur tribu, alors même qu’aucune menace ne pèse sur eux — on voudrait leur dire « c’est bon maintenant, détendez-vous un peu, vous ne risquez rien ».
Quelques animaux semblent toutefois se satisfaire de leur sort, en particulier les zèbres et les gnous qui, à l’abri des prédateurs, paraissent totalement domestiqués. Ont-ils une belle vie pour autant ? Ils errent sans but dans l’attente de leur retour à l’écurie, le soir, pour manger leur ration.
Seuls les pandas géants ont l’air heureux. On dirait des ours stupides sur lesquels le cours du monde ne semble avoir aucune prise.
Ce qui m’a vraiment dérangé, c’est la vue des grands singes ; de ce beau gorille argenté, tout en muscles, fier, tranquillement assis et occupé à décortiquer une branche avec ses mains et ses dents ; de cette gorille résignée qui fouillait le sol de copeaux de bois à la recherche de nourriture, des sortes de petits bonbons éparpillés dans l’enclos ; de cette autre gorille, affalée par-terre sous le poids de l’ennui, le regard profondément triste, un pied sur la vitre qui nous séparait, une main derrière la tête, comme on se mettrait pour se reposer un peu et faire la sieste.
Je savais déjà que nous étions proches, que ce sont des primates, des Homininés même, comme nous, mais quand j’ai vu leurs mains, leurs pieds et surtout leurs yeux, je n’ai même pas osé prendre une photo et j’ai tout fait pour ne pas croiser leur regard. J’ai été troublé. Je trouvais la situation malsaine.
Pour une fois, je suis dans l’air du temps — c’est assez rare pour le souligner. Je sais que c’est terriblement convenu à notre époque, mais je n’aime plus les zoos.