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Invictus, un chêne remarquable du bois de Vincennes menacé par le prolongement du métro

La route du Grand Maréchal se situe entre le terminus du château de Vincennes et le lac des Minimes. Fermée à la circulation, elle n’offre son bitume cabossé qu’aux promeneurs, qui la traversent le plus souvent avec indifférence.

C’est une voie de passage où l’on ne s’attarde guère. D’un côté se trouve une parcelle de reboisement fermée d’une clôture ; de l’autre, une petite portion de bois a priori sans intérêt, si ce n’est pour les pervers et les contemplateurs de la nature, qui fréquentent ce lieu à tour de rôle sans trop se croiser, ce qui vaut mieux pour tout le monde.

En effet, dès que le soleil se couche, une étrange parade se met en branle. À l’heure où les gens de bonnes mœurs retrouvent leur famille, des hommes viennent ici rôder, se regarder, se chercher, se jauger, et leurs ombres furtives se dérobent parfois dans la pénombre pour se rencontrer1. Les autorités semblent s’accommoder de l’existence de cet exutoire, qui délocalise les détraqués sexuels de la ville au bois.

En journée, si quelques mouchoirs usagés témoignent des déviances de la nuit, le tableau est tout autre. Il y a là, au bout d’un court chemin, un bel arbre qui se distingue par sa splendeur. Du haut de ses trente mètres, coiffé d’un feuillage foisonnant tenu par un tronc droit et épais, il fait rayonner cette parcelle qui, malgré tout ce qui peut s’y passer aux heures tardives, mérite qu’on s’y arrête.

Photographie du chêne

Cet arbre est un chêne pédonculé — le pédoncule est cette tige au bout laquelle pousse le gland ; il ne s’agit donc pas d’un mot-valise issus de la fusion de pédé et d’enculé, qui aurait pourtant été tout à fait adapté à ce lieu de débauche.

Un écriteau de la mairie de Paris date sa plantation à l’année 18152. C’est en quelque sorte un vestige de l’Empire qui n’a jamais abdiqué. Des militants œuvrant à la protection du bois de Vincennes lui donnent quant à eux près de trois cents ans d’existence3 — bonjour Louis XV ! Devant tant de résilience et de beauté, l’association ARBRES l’a baptisé Invictus et certifié « arbre remarquable » en septembre 20244.

Et pourtant, ce chêne n’a jamais été aussi menacé. Par son âge ? le climat ? des parasites ? Non ; par des enragés de l’aménagement du territoire qui jugent utile et nécessaire, en pleine période de restrictions budgétaires, de dépenser plus d’un milliard d’euros d’argent public pour prolonger la ligne 1 du métro parisien. À cette fin, ils prévoient en effet de déboiser 1,4 hectares à proximité immédiate d’Invictus et de faire creuser le tunnel sous ses racines5, bouleversant son écosystème au risque de le tuer.

Si le projet de ces promoteurs de la laideur — ils coulent le beau dans le béton — a déjà essuyé des revers, dont le plus emblématique a été le refus de sa déclaration d’utilité publique, sa poursuite a été annoncée cet été, avec la bienveillance de l’Administration et des élus des communes concernées.

Seule consolation si des travaux devaient un jour débuter : les pédonculeries seraient forcées de se tenir ailleurs. Mais à quel prix !


  1. Une simple recherche sur Internet permet de confirmer l’existence de ces lieux de « rencontre ». ↩︎

  2. « Les arbres remarquables », Paris Data, opendata.paris.fr ↩︎

  3. Marie-Noelle Bernard, Touche pas à mon bois de Vincennes, Facebook, 19 juillet 2025, facebook.com ↩︎

  4. Protection Arbres et Faune, Facebook, 15 septembre 2024, facebook.com ↩︎

  5. Dossier d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique, pièce E, chapitre 5, 2021, Île-de-France Mobilités, Métro 1 – Prolongement à Val-de-Fontenay (lien↩︎

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